Nouvel article de Christian Pouillaude pour le blog @courrierexpat
Photographies prises pour Terr'ativa https://www.instagram.com/ong.terrativa/
Bonne lecture :
Il y a plein de (bonnes) raisons pour une l’expatriation. Un poste dans une multinationale française, une opportunité professionnelle comme pour les boulangers, pâtissiers ou cuisiniers français à Rio, des raisons personnelles (couples binationaux) et bien d’autres encore ! Justine, elle, savait parfaitement ce qu’elle y recherchait : une expérience de terrain après son diplôme en “gestion de projet et développement”.
Elle fait un stage dans une association à Salvador da Bahia, qui lui permet de découvrir le pays, de maîtriser parfaitement le portugais et de constater la réalité du monde associatif au Brésil. Elle va bientôt avoir l’occasion de réaliser pleinement son projet professionnel en prenant en charge la petite association Terr’Ativa, créée par des Français à Rio de Janeiro. Elle y assure un double rôle : trouver des financements et veiller au bon fonctionnement et au développement local de l’association.
L’ONG Terr’Ativa
Terr’Ativa intervient dans la favela Morro de Fubá, dans les quartiers nord de Rio, bien loin du centre et des beaux quartiers. Elle accompagne plus d’une centaine d’enfants et d’adolescents à travers un fort soutien scolaire, des activités culturelles et sportives et aussi une formation à la communication. Elle cherche à compenser les grandes faiblesses de l’école publique : son plus grand succès est de réussir à amener, chaque année, plusieurs jeunes jusqu’à l’université ! L’une de ses missions spécifiques est d’ouvrir au monde tous ces enfants, tous ces jeunes, dont l’horizon se limite souvent à leur seule favela. L’association organise des sorties dans d’autres quartiers de Rio (jusqu’à la mer !). Elle fait aussi appel à des intervenants extérieurs, parfois étrangers, pour des projets précis, comme des ateliers de fanfare. Il est essentiel d’ouvrir des perspectives à tous ces jeunes dont le rêve d’emploi se réduit au McDo du coin. Il s’agit aussi de les occuper à plein temps pour éviter qu’ils ne traînent dans la rue et ne tombent dans la délinquance.
Car la favela du Morro du Fubá, autrefois sous le contrôle d’une milice, est désormais dominée par l’une des grandes factions cariocas du trafic de drogue, mais contestée par une faction rivale. L’association doit agir dans ce contexte compliqué. Elle cherche à s’en tenir le plus à l’écart possible : les seuls garants de sa présence dans la favela sont les familles des enfants, dont il faut gagner la confiance en prouvant sa légitimité. L’une des façons incontournables d’y arriver est de faire émerger des acteurs locaux dans l’association, auxquels les jeunes peuvent plus facilement s’identifier qu’à une expatriée française.
Apprentissages
Pour Justine, qui mène ce travail depuis plus de dix ans, cette expérience est d’abord une grande leçon d’humilité. “Nos savoirs, nos certitudes sont totalement remises en cause dans ce contexte si différent”, souligne-t-elle. En même temps, il faut savoir rester vigilant, car on est redevable vis-à-vis des donateurs et des dérapages peuvent vite arriver. Elle ajoute : “Le travail associatif requiert d’abord un fort engagement personnel, mais il faut toujours agir en pensant d’abord à ce que l’on va apporter concrètement aux personnes sur le terrain.” Au-delà de la bonne volonté, il faut amener de vraies compétences et de grandes disponibilités de temps. Pas de place au “tourisme humanitaire” !
Il faut insister sur le rôle fondamental de toutes ces associations, étrangères ou brésiliennes, souvent confessionnelles, qui pallient la faiblesse, voire l’absence complète, de l’État dans ces zones de non-droit que sont devenues les favelas et autres banlieues cariocas. Heureusement pour leurs populations que ces organismes sont bien présents et actifs sur le terrain, tous les jours.
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